Autonomisation des Femmes autochtones à traversle leadership communautaire

le travail de la RWUS
Lucy Mulenke
Indigenous Women Organization (AIWO)
Implantée dans la région nord-est de l’Inde, la Rural Women Upliftment Society (RWUS) est devenue un bastion de la promotion de l’autonomisation au sein des communautés rurales défavorisées, où les Femmes autochtones résistent et génèrent de nouvelles possibilités au quotidien. Depuis 30 ans, cette organisation à but non lucratif œuvre au renforcement et au développement des Femmes autochtones et d’autres groupes, grâce à des programmes et à des initiatives visant à garantir la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance, la paix et la justice en renforçant leurs capacités et leur leadership.

La RWUS a été créée en 1990

par un groupe de volontaires locales engagées à améliorer la situation des femmes dans le district de Churachandpur, au Manipur, un territoire géographiquement et culturellement isolé, près des frontières avec le Bangladesh et la Birmanie.

Son travail s’est d’abord concentré sur l’offre de programmes de subsistance et de formation. « Peu à peu, l’organisation a grandi et a établi ses propres bureaux, devenant aujourd’hui le principal centre de ressources pour les femmes rurales de la région », explique Mary Beth Sanate, secrétaire générale de l’organisation.

Actuellement, la Rural Women Upliftment Society travaille directement avec plus de 5 000 femmes locales, en plus de participer à des forums nationaux et internationaux. De plus, elle a élargi son champ d’action pour travailler directement avec des agriculteurs et des groupes LGBTQ, démontrant ainsi que le travail axé sur le développement des femmes dans les communautés peut mener aux luttes les plus importantes, notamment pour la préservation de la vie sur la planète.

Cela inclut la lutte pour les droits humains, des modèles économiques durables, la pacification des territoires, la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau et la préservation de l’environnement. En Inde comme ailleurs dans le monde, les Femmes autochtones sont devenues d’importantes agentes de changement dans la lutte contre l’urgence climatique.

“Dans le nord-est de l’Inde, les femmes, qui sont pour la plupart artisanes et agricultrices, jouent un rôle clé pour la résilience climatique”

affirme Mary Beth

. La campagne visant à sauver la rivière Tuitha, la seule rivière de la région, lancée par les femmes locales en collaboration avec la RWUS, est l’un des meilleurs exemples de réussite.

“La rivière est une source de revenus pour de nombreuses communautés autochtones, mais le gouvernement a construit un immense barrage à son embouchure, polluant la région et affectant gravement les communautés”

raconte Mary Beth.

Cette dernière décrit la campagne visant à sauver la rivière Tuitha comme une initiative puissante, soutenue par le Forum international des Femmes autochtones (FIMI). Dans le cadre de la campagne, entre autres activités, il y a eu des visites à domicile, la diffusion d’information sur l’importance de sauver la rivière, et des activités de nettoyage. Après deux ans de travaux, Mary Beth estime que la rivière reprend vie petit à petit.

« Les Femmes autochtones des villages installés le long de la rivière ont commencé à s’organiser en comités pour la protéger. Le gouvernement local nous a soutenues, distribuant du matériel en plus d’interdire le déversement de déchets dans la rivière. Je crois bien que c’est une victoire pour nous », déclare Mary Beth. « Nous avons également lancé la campagne Women for Clean Rivers (Femmes pour des rivières propres), qui vise non seulement à nettoyer la rivière, mais aussi à embellir ses berges et à empêcher les gens d’y jeter leurs détritus. De plus, nous avons instauré un programme de plantation d’arbres et planté près d’un millier de jeunes arbres l’année dernière. »

Pour la Rural Women Upliftment Society, le renforcement du pouvoir économique et politique est un axe fondamental pour le développement des femmes et de la région. Un autre de ses projets a donc consisté à mettre en place un marché dirigé par des Femmes autochtones, où quelque 200 artisanes et paysannes se rassemblent pour vendre leurs produits, ornements, vêtements traditionnels et aliments. En collaboration avec le FIMI, l’organisation locale travaille également à renforcer le rôle des femmes dans les questions de gouvernance, ainsi que dans des projets de prévention des violences et de promotion de leur participation aux processus de paix.

« Dans une zone de conflit comme celle dans laquelle nous travaillons, les femmes jouent un rôle crucial dans la consolidation de la paix. Elles descendent souvent dans les rues et jouent le rôle de médiatrices auprès des intervenants étatiques et non étatiques », explique Mary Beth. « Il y a dans la région une diversité de communautés avec des croyances religieuses différentes, ce qui peut créer des lignes de démarcation. Le programme des Capacités locales pour la consolidation de la paix propose des outils pour atténuer les tensions et renforcer les liens. Les jeunes femmes apprennent ce que leurs différentes histoires ont en commun à travers le concept de patrimoine composite, qui vise à trouver les points communs entre sociétés, au-delà des différences linguistiques, religieuses et ethniques. »

Selon Mary Beth, une autre des actions importantes mises en œuvre par la RWUS est le travail avec les jeunes pour renouer avec leurs racines et leur culture, cherchant à combler le fossé générationnel qui menace la préservation culturelle. « Les opportunités d’emploi dans les villages sont limitées, de sorte que le taux de migration vers les zones urbaines est très élevé. Les générations qui ont migré ont perdu leur connexion avec la vie de leurs communautés. Elles ont oublié, par exemple, les jeux traditionnels, les métiers et les techniques d’élaboration des vêtements traditionnels, que seules les femmes de plus de 50 ans possèdent encore aujourd’hui. Même avec la nourriture. Les jeunes ne cuisinent plus de plats traditionnels, optant plutôt pour la restauration rapide. Le marché international s’immisce jusque dans les sphères les plus personnelles, y compris nos habitudes alimentaires. »

Pour Mary Beth, la nourriture est un enjeu politique. « Cela fait partie de notre identité », dit-elle. En tant qu’élément essentiel à la vie, à la communauté et à la préservation des cultures, l’alimentation est l’un des piliers autour desquels s’articule le travail de la RWUS. L’organisation a joué un rôle déterminant dans la création de banques de produits biologiques et de semences, afin de proposer aux paysans des stratégies leur permettant d’échapper aux griffes du capital. « Dans ce monde globalisé, de nombreuses semences traditionnellement autochtones ont été brevetées par des entreprises, qui les vendent ensuite sur le marché », explique Mary Beth.

“Lorsque les agriculteurs achètent ces semences brevetées, ils ne peuvent semer que pour une seule saison. Mais si nous les préservons nous-mêmes, nous pouvons continuer à récolter pendant des décennies. Il est très important de préserver nos propres semences, sinon notre système alimentaire continuera à être contrôlé par les entreprises.”.

Selon Mary Beth, pour aller de l’avant dans le nord-est de l’Inde, il faut transformer le rôle traditionnel que jouent les femmes dans leurs propres communautés et dans une culture à prédominance patriarcale. À cet égard, la RWUS œuvre également à changer les lois coutumières, qui régissent les communautés et sont reconnues par le gouvernement indien, et qui stipulent que les femmes n’ont pas leur place au sein des espaces de gouvernance de la société. Pour que le leadership des Femmes autochtones soit réalisé, elles doivent avoir la capacité de diriger leurs propres familles et sociétés.

Dans les lois coutumières, aucune clause spécifique ne parle de violence de genre, de garde des enfants ou du bien-être des femmes

Dans les lois coutumières, aucune clause spécifique ne parle de violence de genre, de garde des enfants ou du bien-être des femmes 


« Les femmes n’ont pas la garde des enfants, elles n’ont pas le droit à la propriété et ne peuvent pas participer à la prise de décisions dans leur communauté. Pourquoi leur droit à la participation politique n’est-il pas garanti? Nous exigeons des gardiens des lois coutumières que ces normes soient revues et modifiées afin que les femmes puissent accéder à la justice. »

Mary Beth souligne la nécessité de créer des alliances entre organisations aux niveaux national et international, y compris des réseaux comme le FIMI, pour faciliter des rencontres et une lutte collective. « Il est très important de travailler ensemble, car de nombreuses Femmes autochtones vivent isolées, faisant face seules aux obstacles et aux problèmes qui se posent devant elles. Nous représentons une minorité en Inde, et nous pouvons souvent nous sentir impuissantes. Lorsque nous nous rassemblons, le fait de savoir qu’il existe d’autres femmes qui luttent contre les mêmes problèmes nous donne de la force. »

Asia
Créditos
Coordinación, revisión de contenido y diseño: FIMI.

Coordination, révision du contenu et conception: FIMI.
Direction
: Arisbeth Márquez
Production et écriture de cette histoire: DETECTIVE
Traduction française par: Elia Judith Hernández Castillo
Photographies: Deepti Asthana

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